Historique
Le manoir des Gens d’Armes n’a pas un historique mémorable comme d’autres monuments de renom sur Caen. La date de sa construction n’est pas certaine, il aurait été édifié dans la première moitié du XVIème siècle. D’autres documents élaborent une hypothèse de construction à la fin du XVème.
D’où vient son nom original ? Pourquoi a-t-il été construit, pourquoi tous ces médaillons qui orne le mur de ce rempart ?
Ce manoir n'a pas un historique mémorable comme l'Echiquier ou quelques autres monuments de Caen. Par contre l'histoire de son architecture a un intérêt très particulier. C'est ainsi que quelques grandes questions nous viennent aussitôt à l'esprit : d'où vient son nom aussi original? pourquoi a-t-il été construite ? pourquoi toutes ces médaillons. Pour répondre à ces questions, nous avons un historique en conséquence.
Nous n'avons pas retrouvé de la date certaine de la construction mais, d'après plusieurs sources le manoir aurait été construite dans la première moitié du XVIe siècle, c'est-à-dire sous le règne de François Ier. Dans quelques autres documents cet édifice serait à la fin du XVe siècle. Par contre, l'architecte est connu, malgré le prénom qu'on ne sait lui attribuer. Il s'appelle Le Prestre Blaise ou Abel, père ou fils nous ne savons, peut-être les deux. Ces architectes, de grande réputation sur Caen à l'époque, se sont attribués de forts jolis monuments : l'Hôtel des Monnaies, l'Hôtel d'Escoville ou encore le Château de Fontaine Henri.
Dans le textes écrit par Jean de la Varende, qui fût publié en 1959, il décrivait ce manoir comme tel :
" Ce manoir si connu et qui, alors qu’on ne voit ses fortifications qu’en image, semble tellement guerrier, n’est en réalité, qu’une amusette des parents Nollent. Ils réalisèrent dans ce faubourg de Caen une propriété d’agrément et de séjour qui témoigne de la plus singulière fantaisie. Comme de paisibles bourgeois du XIXème siècle se plurent parfois à singer, de leurs villas, les rudes châteaux-forts, en les rapetissant, bien sûr, en leur conférant en revanche des tour de flanquements, des échauguettes, des merlons et des machicoulis, et se crurent digne de Walter Scott , ainsi ces bons Nollent jouèrent aux féodaux.
Elle devait comporter un pont-levis et peut-être une barbacane servant de vide-bouteille ou de kiosque à collations. Leur enclos fut impérieusement fermé. On encercla de murailles, on le garnit de tours défensives ; seulement, tout cela, en miniature, comme les Japonais entassent les arbres nains et les étangs minuscules.
D’ailleurs, d’un dessin admirable et d’une ornementation qui eût indiqué, si la dimension réduite n’y avait suffi, le côté plaisance de la forteresse. Imprégnation italienne, comme il se devait pour les gens fortunés et mondains, de la Renaissance française. Leurs tours n’arrivent point à faire peur, et n’y ont sans doute jamais pensé. Elles sont d’un ovale délicat ; leurs couronnements s’orne de faux machicoulis qui les auraient assombris s’ils avaient été vrai et qui ne sont que des consoles supportant un bourrelet ornemental. Les fenêtres, dont certaines sont richement ornées et empanachées de bas reliefs, sont colorées plutôt que défendues par de belles grilles à la florentine qui permettent de jouir de l’air vif et de la tranquillité en même temps. Toutefois, le raffinement suprême, ce sont les médaillons surprenants qu’on rencontre sur les parois fortifiées. Dans des écuelles de beaux profils seigneuriaux s’inscrivent, et sur chaque créneau. Ainsi la maison devait être au moins gardée par des poètes et des gentilshommes bien disant, car, à l’origine, les profils étaient des portraits ou des évocations traités largement et finement, dans la bonne manière ultramondaine. Le manoir des Gens d’Armes est un jouet tout à fait ravissant, malheureusement confiné dans une rue tristolette qui semble ne menait nulle part, une fois qu’on a dépassé la riante forteresse."
D’autres textes ont été écrits, mais leur intérêt porte surtout sur la description du manoir lui-même. En voici un extrait, qui nous vient d’Arcisse de Caumont :
" Bâti par Gérard de Nollent, Seigneur de Saint-Contest, est de la première moitié du XVIème siècle. Ce qui reste de cette maison de plaisance se compose de deux tours à plates formes, jointes par un mur crénelé qui figure ainsi un petit château fortifié. La tour orientée à l’ouest, près de la porte d’entrée, est la plus intéressante. Sur la plateforme sont deux statues en pierre représentant des soldats ou des gens d’armes dans une attitude menaçante. L’un est armé d’un arc, l’autre d’une arbalète, et il paraissent vouloir défendre l’entrée du logis, ce qui a fait donner à la maison le nom de Manoir des Gens d’Armes.
La muraille ou courtine comprise entre les deux tours est crénelé, les créneaux sont ornés de médaillons qui ont une liaison entre eux et paraissent être une allégorie amoureuse. Les médaillons sont au nombre de 33 et de 35 y compris ceux qui existent sur la maison d’habitation rebâtie presque en entier dans le style de Louis XIII. Les médaillons sont disposés de manière qu’une tête d’homme est entre deux figure de femmes. Une seule des figures de femme n’a point d’homme en regard. Elle porte pour légende : pudicitia vincit amorem. Un autre médaillon incrusté dans la tour porte pour légende : c’est ma Doriche et amie. Ce médaillon a donné lieu à une notice dans laquelle Monsieur Rever établi, d’après Strabon, que Dorica ou Doriche, était une fameuse courtisane, à la mémoire de laquelle ses amants élevèrent un tombeau. Il n’hésite pas à voir dans ce médaillon représentant une tête de femme entre deux têtes d’homme l’image de Dorica. Cette singulière représentation s’explique, selon lui, par le pédantisme qui régnait au XVIème siècle, et qui faisait que l’on allait chercher dans l’antiquité des sujet inconnus et en quelques sorte énigmatique."
Ce sont grâce a tous ces textes que nous pouvons décrire ce manoir.
Il se nommait anciennement Manoir de la Talbotière, parce qu’il faisait partie de la terre de ce nom, qui appartenait originairement au Couvrechef. On l’appela aussi Manoir de Calix ou de Couvrechel, du nom du faubourg où il était situé et de la famille qui le possédait. En 1487, Jean de Couvrechef donna dot la terre de la Talbotière ou des Talbotières à sa fille Guillemette, lorsqu’elle épousa Philippe de Nollent, seigneur de Saint Contest et d’Echauffour et avocat du roi au siège présidial de Caen. C’est au fils de ce magistrat, Gérard ou Girard de Nollent, qu’est due la construction de la singulière maison de campagne que l’on admire aujourd’hui.
S’il fallait s’en rapporter à l’un des dessins qui forment la bordure d’un plan assez curieux, la construction se composait en 1672, de quatre tours reliées ensemble par une enceinte continue, au milieu de laquelle se trouvait le logis proprement dit. Mais les dessins du plan sont, d’une si flagrante inexactitude qu’on ne serait accepter ces indications que sous toutes réserves.
"La tour que l’on aperçoit tout d’abord en venant par la rue Basse-Saint-Gilles est la partie la plus importante et la plus soignée de cette construction.
Elle est flanquée d’une petite tourelle d’angle du côté de la cour. Sur la plate-forme, qui n’a conservé qu’une seule de ses longues gargouilles, se dressent deux statues en pierre, qui ont été rognées par le pied, et qui représentent des soldats ou des Gens d’Armes costumés à l’antique. Ils ont été évidemment chargés de faire le guet et de défendre les abords du logis. Les trois créneaux nous offrent trois médaillons représentant deux têtes d’homme et une tête de femme. Au-dessous de ces créneaux et sur la parois de la tour, le sculpteur a disposé, sans souci de la symétrie et au gré de sa fantaisie, une série de quinze médaillons, tête d’homme et de femme dans les attitudes les plus variées et avec les coiffures les plus caractéristiques. Quelques têtes, vigoureusement enlevées, attestent la main de l’artiste habile et exercé. La tour est éclairée par une grande fenêtre avec chambranle, décorée d’arabesques. Elle a conservé son croisillon et son grillage en fer, d’une forte saillie et d’un certain effet pittoresque. Près de la fenêtre se trouvait sculpté sous une arcature un écusson d’armoiries soutenu par deux griffons et surmonté d’un casque à riche lambrequin. Malgré les mutilations dont il a été l’objet à l’époque révolutionnaire, on peut encore y reconnaitre les armes de la famille de Nollent."